« Et dire que c’est un Bourguignon qui a composé Cépage(s). Oui, un album entier consacré à un ensemble de plants viticoles étrangers, des ceps “déloyaux” auraient déclaré les Grands Ducs d’Occident, des racines devenues quasi inexistantes, comme cet Enfant trouvé, que deux vignerons suisses originaux cultivent encore ! Ni pinot noir, ni chardonnay – qui forment pourtant le socle à vocation internationale de la culture œnologique de Franck Tortiller -, n’apparaissent dans son enchaînement de vibrations sensuelles, d’ondes appétissantes et de notes rondes et gourmandes. Sa rencontre avec Raphaël Pommier, sa découverte du Domaine ardéchois de Cousignac et ses élans portés par le Quatuor Debussy ont-ils contraint le vibraphoniste à nier ici ses origines ?
Écoutons-le bien. S’ouvre alors un monde joyeux, romantique, délicat que seul un compositeur dont les papilles ont été élevées dès le berceau au meursault et au pommard a pu écrire. L’interprétation d’un carignan chagrin qui engage les violons vers les lamentations, d’un cinsault heureux qui s’élance dans une valse ample ou d’une syrah profonde qui s’envole vers des profondeurs méditatives, ne peut être signée que de Franck Tortiller dans toute son intimité.
Avec humour et délicatesse, il exprime ici tout ce qu’il est et tout ce qu’il n’est pas. Telle une nouvelle cosmogonie, où les saveurs auditives s’achèvent en d’infinies caudalies, Cépage(s) permet la rencontre improbable des mondes sonores et gustatifs. Voici donc l’album des transformations, celles où des règnes étrangers l’un à l’autre se rejoignent pour révéler le meilleur de nos sens. »
Laure Gasparotto
Durée totale : 39’23